
CONSEILS COMMERCIAUX EN SITUATION DE SERVUCTION
La grande spécificité de la Servuction, c’est l’implication du client dans la prodUCTION du SERVice. Cette implication a des conséquences directes sur la commercialisation des offres de services.
Performance d’une mission de Services ?
Les métiers du Service sont souvent liés à une technicité ou une expertise précises. Elles se manifestent par un Savoir spécifique, souvent par un Savoir-Faire tout aussi spécifique. Et c’est nécessaire : sans ces capacités « techniques », la mission de Service n’a aucun intérêt.
Mais le Client sera à la fois client… et ouvrier de production de son propre Service. Le prestataire se trouve lui en situation à la fois de Fournisseur et de Manager pour une seule et même personne : son client.
De quoi virer schizophrène.
Conséquence directe : la définition d’un Retour sur Investissement d’une mission de Service est un Graal qui, à ma connaissance, n’a jamais été atteint de manière satisfaisante.
Car comment évaluer la Performance d’une mission de Service – ses « bénéfices » pour le client – quand :
- « on fait » et on verra bien ce qu’il advient à la fin,
- la dimension très objective du retour financier est quasi-absente,
- un client « incompétent » peut dégrader la performance de la mission,
- un prestataire peut se faire dépasser par son « ouvrier de production » ?
Vendre du Service, c’est complexe
Ainsi, la mise en avant des bénéfices clients en phase commerciale est plus difficile que dans la vente d’un produit. Les ressorts classiques de la vente persuasive ou de la vente ajustée sont mis à mal par cette difficulté d’argumentation. Et l’ambivalence vis-à-vis du rôle du client dans la Servuction n’arrange rien.
Dans ces conditions, réaliser une vente devient vraiment complexe. Quant à fidéliser, c’est une vraie gageure car la relation commerciale va se poursuivre tout au long de la prestation par les personnes qui « produisent » en front office – ceux qui sont en contact direct avec les clients – et qui ont souvent des profils « techniques » et non commerciaux.
Pour compenser ces difficultés, nous conseillons de miser sur le Relationnel, sur le Savoir-Etre des prestataires qui exercent en front office.
Commercial et Marketeur sont des métiers du Relationnel : nous vous invitons à lire ce billet.
Tout prestataire de Service qui exerce en front office exerce également un métier du Relationnel. Il faut qu’il présente un Savoir-Etre irréprochable en complément de son Savoir et de son Savoir-Faire.
L’oublier, c’est prendre un risque fort.
Et pour être performant, nous offrons quatre préconisations « relationnelles » :
1. Mettre en œuvre une démarche Pédagogique
Cela nécessite des compétences de pédagogue, un peu de temps, de la méthode et… un bon positionnement marketing d’expert.

Un Constat : les métiers de la Vente sont dévalorisés
Le « modèle J2C » – petit clin d’œil aux clients qui me connaissent bien ! – est malheureusement celui auquel on pense quand on s’imagine un commercial type : hâbleur, menteur, futile et pas très intelligent. Le Jean-Claude Convenant de Caméra Café.
Dans de nombreux secteurs d’activité, les métiers de la Vente sont clairement dévalorisés, à commencer par la fonction commerciale. Or tout le monde est d’accord pour dire qu’il est indispensable de vendre…
Problème cornélien ?
Pas tant que ça : tout dépend de la posture attendue des commerciaux. Plus personne ne veut de beaux parleurs qui n’y connaissent rien ? Plus personne ne veut de belles promesses ? Amenons autre chose !
Quelle est la cause profonde de la difficulté commerciale dans les Services ? La Servuction.
Et donc ? Le client est partie prenante.
Et donc ? L’entreprise de services ne maîtrise pas tout.
Et donc ? La relation client évolue en contexte… d’incertitude. Aucune prévision possible sur les comportements des clients, et donc sur le déroulé des missions, et donc sur le Retour sur Investissement de la mission !
Les risques d’un manque de pédagogie : exemple de l’expertise comptable
Pierre et Matthieu sont deux frères qui ont tous les deux poursuivi des études à l’Ecole Supérieure de l’Agriculture d’Angers. Durant leur dernière année d’études, ils ont eu l’idée de développer une société maraichère. Après plusieurs semaines d’installation, leur activité commence à connaître du succès. Ils manquent de temps pour établir une comptabilité parfaite et préfèrent se concentrer sur leur cœur de métier.
Ils décident de faire appel à un expert-comptable, qui pourra être en mesure de leur prodiguer des conseils, de les accompagner au fur et à mesure de leur activité. Et le choisissent sur les bons conseils de leur oncle, DAF d’une grosse PME.
Deux mois plus tard, ils font un point sur la gestion de l’entreprise.
Pierre : « On a bien travaillé le mois dernier et le carnet de commande est plein pour les semaines à venir. Mais on est encore à découvert, on ne doit pas vendre assez. »
L’expert-comptable : « Il faut absolument que vous amélioriez votre BFR, c’est là que réside le risque. »
Matthieu : « C’est quoi le BFR ?»
L’expert -comptable « C’est le Besoin en Fonds de Roulement, bien sûr. Si vous ne le contrôlez pas, vous risquez la cessation des paiements. Il vous faut absolument l’améliorer. »
La communication devient compliquée…
« L’expert-comptable utilise un langage obscur, trop spécifique quand il nous parle, on ne comprend pas tout. » témoigne Pierre. « Quand on lui pose des questions pour qu’il simplifie ce qu’il nous dit, il ne nous écoute pas ou que très peu. Il est centré sur ses chiffres et ne prend pas en compte nos priorités. On se rend compte que l’on n’arrivera jamais à travailler avec cet homme qui n’a finalement aucune considération pour la société, les enjeux et les objectifs. »
Résultat, 8 000€ à débourser… sans aucun sentiment de satisfaction et avec une défiance bien installée.
Décryptage de ce loupé de Servuction : dans cette situation, Pierre et Matthieu ont fait confiance à un expert-comptable pour se décharger d’une activité qu’ils ne comprennent pas… et qui ne les intéresse pas vraiment. Mais qui leur est indispensable.
Leur attente, c’était quelqu’un qui « gère » leur comptabilité et qui les conseille. Qui soit capable de leur synthétiser les « chiffres » afin qu’ils prennent leurs décisions. Et qui soit capable de s’approprier leur métier, de bien les connaître.
Quand ils se sont rendu compte que le professionnel en question n’avait aucun sens du relationnel et ne semblait pas s’intéresser à leur activité maraichère, il était un peu tard pour faire marche arrière.
Conséquences : cet expert-comptable – par son manque de pédagogie et de capacité à vulgariser ! – s’est décrédibilisé alors même qu’il est un excellent professionnel. Il a perdu en légitimité car il a considéré que c’était à ses clients de s’adapter et non à lui. Il ne re-signera pas de lettre de mission l’année d’après… et il ne fera pas l’objet de recommandations. Dommage pour lui.
Il a oublié la notion même de Servuction et n’a pas intégré ses clients dans sa démarche. Il a adopté une stratégie axée sur la Maîtrise technique de son métier, de façon trop exacerbée, et son absence d’écoute et de pédagogie aura été contre-productive. La réelle prouesse, pour un expert-comptable, n’est pas de parler Chiffres (son métier !), mais de simplifier et adapter le discours pour se faire comprendre au mieux par le client et instaurer une réelle proximité.
L’immatériel ne se vend pas… il s’explique avec pédagogie !
Les projets incertains peuvent se gérer en appliquant les principes de l’Effectuation : je vous invite à parcourir l’excellent blog de Philippe Silberzahn de l’EM Lyon. Cette approche effectuale est très adaptée aux projets d’entrepreneuriat, aux projets innovants, mais aussi à la Pédagogie en général, et donc à la Vente Pédagogique©.
L’incertitude que génère la Servuction peut donc se lever en appliquant une démarche effectuale, et notamment en pratiquant… la Vente Pédagogique©.
Dit autrement, l’immatériel ne se vend pas… il s’explique avec pédagogie !
Comment s’applique l’Effectuation au Commercial en situation de Servuction ?
L’Effectuation repose sur cinq principes.
1er principe : faire avec ce que l’on a
C’est tout le point de départ du Commercial en Services : il peut choisir ses clients, dans une certaine limite, mais l’exercice est vite corsé ! Mieux vaut donc apprendre à faire avec. Et si le client n’a pas les compétences, la seule solution consiste à lui amener les compétences.
2ème principe : pertes acceptables
C’est un principe qu’il faut expliquer au client : il sait plutôt bien ce qui est investi, mais il ne sait jamais ce qu’il va gagner. Le Retour sur Investissement étant lié à de multiples facteurs, c’est une donnée à intégrer. Vendre un ROI assuré est un non-sens, une sur-promesse marketing intenable…
3ème principe : patchwork fou
Il permet justement de résoudre le dilemme du précédent principe : c’est l’engagement des parties prenantes – Client(s), prestataire en front-office, équipes en back-office, … – qui assurera la réussite de la mission, et donc le Retour sur Investissement ! Mais chacun doit s’engager et s’impliquer.
4ème principe : limonade
Puisque l’effectuation est un processus éminemment social, les surprises sont inévitables. Comme disent les anglais :
« si la vie t’envoie des citrons, fais de la limonade »
Si le Commercial ne sait pas tirer parti des surprises, si la Hiérarchie impose des objectifs trop « causaux », trop directifs – pas assez glissants ! – alors les ventes vont être compliquées dans la durée.
5ème principe : pilote dans l’avion
Puisque la Servuction est de nature incertaine, il ne sert à rien de chercher la prévision absolue : mieux vaut piloter et être pro-actif, que ce soit en démarche commerciale ou en cours d’exécution des missions…
Pour appliquer ces 5 principes, nous avons formalisé la démarche des 4 Clés du Désir de l’Autre – effectuale ! – qui intègre le Marketing, le Commercial et le Management, en mettant du Sens, en co-construisant l’offre et en mettant en avant les modalités d’action dans une démarche créative !
Tout ce que ne saura jamais faire un « J2C »…
2. Écouter… réellement !
Un corollaire, c’est de faire parler ses clients. Cela peut être inné. Mais cela peut aussi s’apprendre ! C’est la base de la fonction commerciale… pas toujours acquise.
3. Prendre le temps au départ de fixer les règles du jeu
Soit dans son processus commercial, soit en démarrage de mission, s’organiser pour mettre cartes sur table avec le client : quelle sera sa contribution, avec quels attendus qualitatifs et quantitatifs, quelles sont les limites de son intervention, …
4.pas de tabous avec vos prospects et clients !
Dans l’imagerie populaire, le « bon » commercial est celui qui argumente toujours de façon positive : il sait se vendre, gommer les défauts et transformer toute faiblesse en qualité.
Argumenter, c’est effectivement une composante du métier de commercial et je vous invite à lire cet article pour apprendre à construire un bon argumentaire.
Une dérive commerciale en Servuction : taire les points faibles
Attention : une dérive des commerciaux consiste à basculer dans le déni de ce qui peut déplaire. Voire dans le tabou. Et l’un des pires tabous concerne le Prix. C’est un élément incontournable de l’offre que nombre de commerciaux ou assimilés ont beaucoup de difficultés à aborder.
Je donne ici quelques conseils pour défendre son prix. Je voudrais insister aujourd’hui sur la nécessité de « crever l’abcès » des tabous commerciaux, en particulier dans les contextes de Servuction.
Pourquoi ?
La Servuction nécessite un rapport de confiance entre le prestataire (front et back-office) et son client, une sorte de « contrat moral ». Les tabous viennent casser ce contrat. Des exemples ?
- le prix, bien-sûr, mais qui tôt ou tard est abordé par le client,
- des délais intenables,
- un temps d’implication client très conséquent, non perçu par le client,
- etc.
Un cas assez classique est le projet informatique : combien de prestataires en développement acceptent des délais très serrés, en espérant que l’incapacité du client à fournir les informations et validations requises en temps et en heure lui permettra de justifier les dérives ? Alors que l’ampleur et l’importance de ces informations n’étaient pas perceptibles par ce même client – qui n’est pas sachant, lui !
Les tabous peuvent également se propager dans la chaîne de management et entraîner par ricochet une insatisfaction du client. Dans notre exemple, le directeur de projet « oublie » de mentionner le manque de « maturité technique » du client au consultant, qui se sentira piégé et le montrera en présence dudit client. C’est l’effet boule de neige de la Symétrie des Attentions.
Concernant le Prix, cela signifie que c’est au Commercial et non au Client de « mettre les pieds » dans le plat. En effet, si le Client prend les devants à ce sujet là – alors que c’est primordial – cela revient à rendre symboliquement le Prix tabou : le Commercial n’assume pas. Le Client va alors se demander pourquoi il n’assume pas : marge commerciale trop élevée ? Concurrence plus compétitive ? Arnaque ? Ces questions sur les « intentions cachées » du Commercial vont ruiner la confiance qui aurait pu s’être construite.
Concernant les délais, l’implication Client ou les aspects qualitatifs de l’offre commerciale, pas de tabous non plus : assumez et prenez les devants ! Dans le cas contraire, tôt ou tard, cela se saura… et autant dire que le « bouche à oreilles » se retournera contre vous…
Au contraire, si vous assumez vos points forts ET vos points faibles, c’est un gage de sérieux qui inspire confiance : les règles du jeu ont été clairement annoncées, et c’est le meilleur moyen pour qu’en fin de mission le Client juge positivement la performance de votre mission de services !
5. Prendre le temps d’un bilan en fin de mission
C’est la suite naturelle de ce qui précède : pour fidéliser son client, il faut lui faire toucher du doigt que la mission s’est bien passée. Et si le prestataire n’est pas pro-actif en la matière, la satisfaction client va s’en ressentir.
LA SERVUCTION EST UN PROCESSUS PASSIONNANT
En conclusion, je vous invite à lire ce billet sur les composantes du Travail. Pierre-Yves Gomez identifie le travail :
- subjectif : quel est le sens donné à notre travail, quelle est son utilité ?
- objectif : quelle est la performance (mesurable) de notre travail ?
- collectif : en quoi sommes-nous dépendants du travail des autres dans notre performance, quel lien social appelle-t-il ?
Les métiers du service sont passionnants car ils recourent à ces trois composantes : grâce à ses qualités relationnelles, le bon prestataire exécutera le service de façon collective, avec des objectifs mesurables et il y mettra du sens !
C’est le savoir-être du prestataire qui permettra de trouver le meilleur équilibre entre ces trois composantes et donc de vendre et réaliser la servuction d’un service de qualité.
Besoin d’aide pour devenir un professionnel du Désir de l’Autre? 🙂 Contactez-nous !